Justice militaire, le procès Madi Ouédraogo et 28 autres se poursuit

L’audience publique du procès de l’affaire dite ‘’Madi Ouédraogo et 28 autres’’ s’est poursuivie le vendredi 06 et samedi 07 janvier 2017 devant le Tribunal militaire. Les deux jours ont été marqués par l’examen du dossier au fond.

Après avoir vidé le débat dans la forme et sur les préalables, les débats au fond ont débuté dans la matinée du vendredi 6 et se sont poursuivis le samedi 7 janvier 2017. A la fin des deux jours, ce sont au total 18 accusés qui ont été interrogés à la barre de la salle d’audience de la Justice militaire. Sur le premier chef d’accusation «association de malfaiteurs», les 18 accusés ont dans l’ensemble rejeté les faits à eux reprochés. Cependant, tous ont avoué s’être rendus au domicile du caporal Ouédraogo Madi où se sont tenues des rencontres présumées préparatoires pour l’attaque de la MACA aux fins de libérer les généraux détenus, et éventuellement, pour d’autres actions de déstabilisation. Pour ceux qui reconnaissaient avoir été dans le lieu en cause, beaucoup ont indiqué soit s’y être retrouvés de façon fortuite, soit en tout cas n’avoir pas participé à la réunion car arrivés et repartis avant, ou encore pour être arrivés quasiment à la fin. En revanche, pour ceux qui reconnaissent avoir pris connaissance une fois sur place du sujet de la rencontre, ils précisent n’avoir pas adhéré à l’idée de libérer les généraux. Certains ajoutent même avoir déconseillé au principal animateur de la réunion Madi Ouédraogo de concrétiser ses idées. Ceux qui reconnaissent avoir eu connaissance du projet de libération, ils soulignent qu’il n’a jamais été question de procéder par ‘’attaque’’, mais plutôt de ‘’chercher des solutions’’. Et pour certains, connaissant la limite des capacités du caporal Madi Ouédraogo, il ne pouvait pas s’agir d’une attaque. En clair, eux savent celui-ci incapable de conduire une telle entreprise (l’attaque) périlleuse.

De la détention illégale d’armes et de minutions
Plusieurs des accusés ont reconnu la détention d’armes et ou de munitions. Pour Haro Atinan, par manque de temps et par peur, il n’a pas pu rendre les deux pistolets et les munitions de kalachnikov qui s’étaient retrouvés par devers lui. Cependant, dès qu’il en a eu l’occasion, assure avoir donné ces armes au caporal Zallé pour les réintégrer. Malheureusement, ce dernier n’aurait pas donné suite comme convenu. Da Sansan et Gansoré Jean Charles pour lesquels pèsent les mêmes charges, se sont justifiés autrement. Etant en stage à Bobo au moment de la dissolution de leur corps d’origine (RSP) et ayant appris l’obligation de réintégrer les armes, ils auraient informé la hiérarchie de l’école qu’ils possédaient des armes à leurs domiciles à Ouaga. Malheureusement, ces armes n’auraient pas été enlevées, alors qu’ils auraient fourni leurs adresses avec les numéros de téléphone de leurs épouses restées à Ouaga. S’appuyant sur ce constat, ces 2 accusés ont renvoyé au commissaire du gouvernement ‘’son obligation de rendre compte’’. «Vous avez dit que le compte rendu libère le soldat mais aussi, il faut ajouter que ça engage la hiérarchie», ont-ils rappelé. Dans tous les cas, ils estiment n’avoir nourri aucune mauvaise intention et assurent que s’ils avaient repris service dans leurs nouveaux postes d’affectation, ils auraient simplement réintégré les armes.
Quelques curiosités
Le caporal Da Sansan, dernier interrogé de la journée de samedi, a réfuté les faits relatifs au chef d’accusation d’association de malfaiteurs. Il dit avoir été au domicile de Madi qu’il ne connaissait pas avant, par un de ses promotionnaires, le caporal Abou Ouattara. Il a affirmé avoir assisté aux échanges sans prendre la parole. A la fin, il aurait déconseillé l’idée à son promotionnaire qui l’a emmené. En plus, outre ce jour, il n’a jamais entrepris de démarche pour s’enquérir de la suite, assure-t-il. De son village où il se trouvait, il a indiqué qu’il a reçu un appel lui signifiant qu’il était recherché par les gendarmes. Aussitôt, il se serait empressé de revenir à Ouagadougou pour répondre à la convocation. Arrêté en même temps, c’est donc avec surprise qu’il apprendra que c’est au sujet de la rencontre et que Abou Ouattara qui l’y a convoyé n’est pas parmi les accusés. «Où est Abou Ouattara ?», interroge-t-il à la barre.  Face à ce récit, son avocat introduit séance tenante une requête aux fins de faire comparaitre Abou Ouattara. Le tribunal s’est réservé le droit quant à la suite à accorder à cette requête.
Quelques conflits de corps notés par les accusés
Plusieurs accusés ont nié les propos à eux attribués par les procès-verbaux de la gendarmerie. Ces accusés ont déclaré avoir subi des mauvais traitements de la part des gendarmes qui ne se privaient de leur lancer qu’ils leur en voulaient. «Hier, c’était vous, maintenant c’est nous» ou encore «si tu veux, il faut parler ; de toutes les façons nous savons tout.», tels sont les propos des gendarmes si l’on en croit plusieurs accusés. Ne sachant plus que faire, ils se seraient emportés, demandant alors aux gendarmes d’écrire ‘’ce qu’ils voulaient’’. De même, certains ont indiqué avoir fait l’objet d’injures de la part des gendarmes. Pire, ‘’3 jours sans manger avant d’être interrogé’’, ont confié certains.
Par ailleurs, les avocats de la défense ont demandé au tribunal de relever que le procès cache une « guerre qu’on veut faire à l’ex-RSP ». Ils ont également souligné l’inadéquation entre le niveau d’expression des accusés et le niveau d’expression contenu dans les procès-verbaux de la gendarmerie et devant le juge d’instruction militaire.
«Le compte-rendu libère le soldat», mais aussi engage le chef
Il est obligatoire pour tout soldat de rendre compte à sa hiérarchie, en vertu du fait que chaque élément est un agent du renseignement. «Le compte rendu libère le soldat » a plusieurs fois martelé le commissaire du gouvernement à l’intention des accusés. Pourquoi n’avoir pas rendu compte de la tenue d’une réunion portant sur la libération des généraux ? La plupart expliquent cela par le manque de confiance entre eux issus de l’ex-RSP et les autres corps de l’armée. Par exemple, l’un deux a indiqué avoir monté la garde pendant 4 mois, et tout ce temps sans munitions, preuve que la hiérarchie ne lui fait pas confiance. D’autre ont indiqué qu’ils se sont retrouvés isolés. Ainsi Haro Atinan a indiqué qu’à Fada les regroupements se faisaient d’un côté les soldats venus du régiment dissout et de l’autre côté les autres.  Cette mise à l’écart si l’on en croit certains accusés était accompagnée d’humiliations et d’injures du genre ‘’vous êtes les assassins’’.  Face à cette situation, les accusés affirment n’avoir eu d’autre choix que de se taire. «Comment rendre compte à quelqu’un qui ne nous fait pas confiance ? Encore que nous n’avons aucune preuve contre celui qui a organisé les réunions».
Un procès pédagogique selon le parquet
Plusieurs fois pendant l’audience le commissaire du gouvernement a rappelé à l’intention des accusées et de leurs conseils que le procès est le prolongement de l’action disciplinaire. A ce titre et selon lui, il a un but pédagogique. A l’en croire, les accusés devraient tenir compte de ce fait. Aussi, il a assuré des échanges permettant à la hiérarchie de prendre des mesures de corrections de disfonctionnement découverts à travers le procès, mais également à l’ensemble de la soldatesque de s’éduquer.
Les avocats ont toutefois réitéré l’appel de leurs clients à la sérénité dans les prises de parole. Ils doivent se départir des réflexes du commandement. Par ailleurs les avocats estiment que c’est toute la difficulté de la justice militaire. En effet, ils estiment que les accusés sont souvent intimidés du fait de se retrouver face à un chef. D’ailleurs, durant l’audience, le substitut a rappelé aux soldats que lui est un chef militaire et que ceux-ci lui devaient des égards.
La pièce I 150 objet, de débats intenses
Dans l’après-midi du vendredi, alors que l’interrogatoire des accusés se poursuivait à la barre, maitre Birba Christophe ouvre les débats sur l’une des pièces du dossier d’accusation. Il s’agit de la pièce numérotée I 150 et qui est censée être la retranscription de l’enregistrement d’une rencontre entre les accusés au domicile de Madi Ouédraogo. De façon solidaire, les avocats ont plaidé pour le retrait pur et simple de cette pièce. Tous les avocats ont eu la parole pour défendre le retrait de cette pièce sur laquelle se fonde principalement le dossier d’accusation. Pour ce faire, plusieurs arguments ont été utilisés à cet effet. Selon la défense, l’origine de la bande audio est inconnue et dans ce cas, elle ne saurait être utilisée contre leurs clients. De plus, poursuit-elle, rien ne prouve son authenticité, et des parties ont pu être rayées ou ajoutées. Par ailleurs, pour la retranscription, c’est le juge d’instruction et son greffier ‘’qui se sont enfermés dans un bureau’’ alors qu’ils n’ont pas compétence en la matière. Par contre, l’accusation estime que le tribunal ne doit pas écarter la pièce. Le commissaire du gouvernement et ses substituts ont apporté des arguments pour le maintien de la pièce I 150. De part et d’autre, la jurisprudence d’ici ou celle de la France sont évoquées. Alors que les partis s’attendaient après la confrontation des arguments, à ce que le tribunal suspende pour statuer sur le sort de cette pièce, surprise ! Le président annonce la poursuite des auditions. « Le tribunal décidera du sort de la pièce après le passage de tous les accusés », a indiqué le président.

La séance a été suspendue dans l’après-midi du samedi 07 janvier après que 18 accusés ont été interrogés à la barre. Le procès reprend lundi à partir de 8 heures 30
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