J2 du procès des ex RSP
Le procès dit ‘’Madi Ouédraogo et 28 autres’’ qui s’était ouvert dans la matinée
du 20 décembre 2016 s’est poursuivi dans la mi-journée du mercredi 21 décembre
au Tribunal militaire de Ouagadougou. Après la survenue d’un incident,
l’audience a été renvoyée au lundi 5 janvier 2017.
Au
deuxième jour de l’audience, les discussions se sont limitées à la demande de renvoi
des conseils des accusés. En effet, l’audience avait été suspendue au premier
jour parce que déjà la partie défenderesse sollicitait le renvoi.
Dès
l’ouverture, la défense demande la parole. C’est maître Arnaud Sampebré qui s’exprime au
nom du groupe. D’entrée, il confie qu’après la suspension de la veille, une
copie du dossier avait été mise à la disposition de l’ensemble des avocats de
la défense. Et de préciser que malgré l’organisation pour consulter ce dossier
et prendre connaissance des pièces à tour de rôle, le temps n’a pas suffi. Puis,
il a rappelé qu’en matière pénale, la communication de l’ensemble des pièces
est une ‘’condition sine qua none‘’ pour
les droits de la défense. «Nous estimons
qu’à cette heure-ci nous ne sommes pas en état d’assumer convenablement la défense
de nos clients». Comme conséquence et au nom de l’ensemble des avocats
commis d’office, il réitère la demande de renvoi conforment à l’article 121 du
code de procédure militaire qui permet au tribunal le renvoi. Et pour permettre
à la défense de mieux préparer le procès, il souhaite deux semaines. «Nous sommes convaincus que ce dossier peut
être renvoyé et sera renvoyé…», a-t-il martelé.
Le parquet militaire n’est pas du
même avis
Prenant
la parole après les avocats de la défense, le commissaire du gouvernement
s’inscrit contre la volonté de ceux-ci. Il estime que le parquet avait respecté
les dispositions de l’article 106 du code de procédure de la justice militaire.
«Nous sommes allés même au-delà»,
a-t-il indiqué. Pour lui, le dossier avait été mis à la disposition des avocats
et ceux qui voulaient l’exploiter ont eu suffisamment de temps pour l’examiner.
Il estime donc que les conditions sont réunies pour aller aux débats. Il sera appuyé dans son argumentation par l’un
de ses substituts qui trouve que la demande de la défense est excessive. Du
reste, il a souligné que le peuple n’attend que ça.
La réplique de Maître Arnaud
Ouédraogo
Pour
lui, personne ne met en cause le commissaire du gouvernement. Cependant, la
défense demande au tribunal de tirer toutes les conséquences du préjudice des
droits de la défense. Il soutient que l’insistance du parquet à vouloir tenir
le procès à cette date ressemble à un ‘’fétichisme
des dates’’. En tant qu’avocat et conseil, ce qui lui importe, c’est «la défense de nos clients» et d’œuvrer
à la manifestation de la vérité, assure-t-il. Ce serait une erreur «si nous regardons le procès de ce matin
comme cadeau de noël à offrir à la population burkinabè…». Comme réponse au
substitut du commissaire du gouvernement au sujet des attentes des populations,
maitre Arnaud Ouédraogo estime qu’il est nécessaire de ‘’se départir d’un populisme judicaire’’. «Nous sommes attachés aux droits de la défense y compris d’aller
jusqu’au bout pour obtenir que le droit de la défense soit respecté»,
affirme-t-il. Poursuivant, il a suggéré à tous de se libérer de l’agenda
politique en écho aux annonces de l’exécutif de la tenue de ce procès avant la
fin de l’année.
Pour
appuyer son confrère, maitre Birba Christotphe insiste sur la nécessité de se
départir du populisme. «C’est dans le
populisme que résident la plupart des erreurs judiciaires». Sa seconde
observation est que les conseils n’ont aucunement l’intention de soustraire
leurs clients à la Justice. Cependant, il a rappelé les principes généraux qui
commandent qu’ils aient un procès équitable. De fait, il a insisté que «les conseils n’entendent concéder aucune
faveur» sur le principe de la communication des pièces. Si le parquet
s’appuie sur l’article 106 du code de procédure militaire, maître Birba estime
qu’il est anticonstitutionnel si son objectif est de permettre au ministère
public de communiquer une partie des pièces et d’en garder d’autres. «Il est contraire aux valeurs universelles du
procès équitable», s’indigne-t-il.
A
la suite, la parole est donnée aux avocats choisis que sont maître Traoré
Michel et maître Zagré Abdoulaye. Tour à tour, les deux s’inscrivent dans la
logique de leurs confrères. Cela parce que même ayant commencé à travailler sur
l’affaire avant les autres, ils déclarent n’avoir pas pu avoir en leur
possession l’ensemble du dossier. Pour eux, le renvoi est nécessaire pour
parvenir à un procès équitable. Avant de conclure, maître Traoré a insisté sur
le fait que le renvoi n’est aucunement une mise en cause du travail du
parquet. «Il s’agit plutôt du
respect du droit de la défense», a-t-il conclu.
A
la suite, pour une seconde fois, la parole a été donnée au ministère public qui
a maintenu son souhait de voir le procès se poursuivre. Finalement, le
président du tribunal a suspendu l’audience aux fins de statuer la demande des
conseils des accusés.
L’incident qui entraîne le renvoi
A
la reprise de l’audience, le président annonce le rejet de demande de renvoi
formulé par les conseils commis d’office, et en conséquence décide de la
poursuite de l’audience. En réponse, et d’une même voix, l’ensemble des avocats
commis d’office décide de se déporter du dossier. Suite à leur décision de se
déporter, le président ordonne leur retrait de la salle d’audience avant de
donner la parole au parquet.
Rappelant
qu’il avait le droit de commettre sur place d’autres avocats, le président
vérifie la présence d’un tierce avocat dans la salle. En l’absence d’autres
avocats que les deux choisis, le commissaire propose que ceux-ci soient commis
par le président du tribunal. Cependant, les deux avocats rejettent cette idée
d’être commis d’office pour la défense des accusés restés sans avocats.
L’argument est que leurs clients ont des intérêts opposés à ceux de certains
des accusés.
Face
à cette situation d’absence de conseil pour plusieurs accusés, le président
ordonne le renvoi du procès au 5 janvier 2017. Il a pris le soin de préciser que
la date du 5 janvier sera pour la continuation et non la reprise du procès.
Avis des parties après le renvoi
Pour
Arnaud Sampebré qui s’exprimait à la fin de l’audience, les avocats n’avaient
plus de choix que de se déporter face au refus d’accéder à leur demande de
renvoi. Pour lui, ils n’étaient pas suffisamment imprégnés du dossier pour être
en mesure de défendre correctement leurs clients. Ainsi, compte rendu sera fait
au bâtonnier qui avait procédé aux commissions d’office.
Quant
au commissaire du gouvernement, il a estimé après l’audience que les «avocats ont peut-être d’autres motivations».
Autrement, il a estimé que la loi a été respectée et qu’il était normal que le
tribunal rejette la demande de renvoi. Qu’à cela ne tienne, si le fait que les
avocats se sont déportés a entraîné le renvoi du procès, il entend entreprendre
les diligences qui s’imposent avant la reprise le 5 janvier 2017.
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